[VIDÉO] Fabrication artisanale d'un tonneau : Façonner les douves

Published : 29/05/2020 00:11:04
Categories : Fabrication traditionnelle , Vidéos , [Fabrication de A à Z]

Jointage à noyau

Suite de la fabrication de notre tonneau de 50 litres. Aujourd'hui est un grand jour, nous allons façonner les douves ! Cette étape est cruciale et nous devons lui porter grand soin car la qualité de sa réalisation va conditionner toute la suite du travail. Vous êtes prêts ? Les outils sont affûtés ? Alors allons-y !


LA question

Parmis les nombreuses questions que pose la fabrication d'un tonneau, il en est une qui revient très régulièrement, et cette question c'est : "Combien de douves faut-il pour faire un tonneau ?". La réponse est terrible : "Ça dépend". Zut alors mais ça dépend de quoi, de la taille du tonneau ? En partie oui mais ça dépend surtout de la largeur des merrains qu'on utilise.

En effet le bois utilisé est débité par fendage et sa largeur n'est donc pas standard. S'il fait par exemple 80 millimètres de large alors on fait une douve d'environ 80 millimètres de large au niveau du bouge, et si le merrain suivant fait 120 millimètres on ne va certainement pas le raboter pour le ramener à cette même cote de 80 mm. La perte de matière serait catastrophique. Non, on va plutôt faire une douve d'environ 120 mm au bouge. Ceci est rendu possible par un travail sur les proportions et non sur les dimensions: au final les douves auront toutes des dimensions différentes mais l'important est qu'elles aient toutes les mêmes proportions (le même rapport de largeur entre le milieu et les extrémités). Pour pouvoir appliquer ce rapport à toutes les douves, nous allons tracer et découper la clé (autrement appelée "crochet", "serche", "calibre",...) qui nous permettra d'obtenir un tonneau aux dimensions voulues. Vous pouvez retrouver tous les détails sur le principe et l'utilisation de cette clé dans cet article.

Sur différents tonneaux de mêmes litrages et de mêmes dimensions nous pourrons donc trouver un nombre de douves très variables. Le tout, encore une fois, c'est de rester cohérent. Le but est de fabriquer un objet ayant "une forme à peu près circulaire plutôt qu'une forme sensiblement polygonale"1. Prenons un cas extrême: un tonneau réalisé avec trois douves risque fort d'être sensiblement polygonal. À l'inverse, la solution idéale serait plutôt un très grand nombre de douves (plus on augmente le nombre de côtés du polygone et plus on s'approche du cercle) mais cette solution n'est que théorique car en pratique augmenter le nombre de douves revient à diminuer leur largeur et des douves très peu larges vont être plus difficiles voire impossibles à travailler (et il y en aura plus à façonner) et moins il y a de largeur, plus c'est dangereux pour les doigts ! Il ne reste donc plus qu'à trouver un juste milieu en faisant appel à notre bon sens (et en fonction du bois disponible).


Écourter

Cette étape est assez simple, il s'agit juste de couper les douves à la longueur voulue. Il faut toutefois être vigilant et bien observer son merrain pour repérer les parties qui ont pu s'abîmer pendant le séchage du bois (fentes en bouts de douelles principalement). Ensuite rien de plus simple: on mesure, on coupe, et voilà ! Attention toutefois à la redoutable loi des séries qui sévit dans les ateliers et qui se formule ainsi : "Trois fois coupé, trois fois trop court...". Par exemple ici, nous prendrons garde à ne pas couper la douelle à la dimension intérieure du tonneau. Pour notre fût cette cote est de 454 millimètres, auxquels il faut donc bien penser à ajouter la longueur des peignes et l'épaisseur des fonds. Il n'y a pas de règle pour la dimension des peignes, encore une fois faites appel à votre bon sens pour faire quelque chose d'harmonieux et de techniquement cohérent (par exemple s'il n'y a pas assez de longueur les jables vont se retrouver trop près de l'extrémité du bois et on risque fort d'avoir de la casse au moment du fonçage). Une longueur extérieure de 560 millimètres est un bon compromis ici.


Doler et tailler en roue

La première opération consiste à dégauchir ce début de douve. On peut effectuer ce travail de plusieurs manières : à la plane pour des petites douves, à la doloire pour les plus grosses. Le travail à la doloire est particulièrement délicat et nécessite beaucoup d'adresse et de précision avec un outil plutôt lourd. "Aussi, dans les grands ateliers, où chacun a sa spécialité, on fait grand cas du bon doleur, et on le paie très-chèrement"1. À l'heure actuelle ce travail est quasiment inutile car le merrain est déjà calibré : son épaisseur est assez constante et ses faces relativement planes. Passons donc à l'étape suivante, le taillage en roue. Il s'agit de mettre en forme la face de la douve qui correspondra à l'extérieur du tonneau. Ce travail peut se faire à la doloire pour des douves suffisamment grosses, pour des litrages plus petits la plane sera plus adaptée. Pour contrôler la courbure correcte il suffit de présenter la douve sur le calibre précédemment tracé et fabriqué.

Contrôle de la courbe

Contrôle de la courbe


Le bouge et le clain

Le bouge, c'est la partie ventrue du tonneau. Pour obtenir cette courbure caractéristique il convient de donner à notre fût un diamètre plus important au milieu qu'aux extrémités. C'est sur ce principe que nous allons tailler les douves afin qu'elles aient toutes ces proportions : la plus grande largeur au milieu et la plus petite largeur aux deux extrémités. En réalité, afin d'éviter de faire un angle au milieu de la douve, de manière symétrique sur les deux chants, nous allons décaler l'endroit où se fera le changement de pente d'un côté et de l'autre. Cette technique appelée "jointage à noyau" permet de réduire considérablement les tensions liées au cintrage en répartissant celui-ci sur deux points d'appui au lieu d'un (voir l'explication détaillée dans la vidéo). Afin qu'au montage elles s'agencent pour obtenir une forme circulaire, nous devrons également tailler les deux chants de chaque douve avec un angle appelé le "clain" et qui correspond au rayon du cercle que l'on veut former. Pour que l'étanchéité soit possible il faut que la surface de contact entre les douves soit parfaitement lisse et plane. On peut obtenir cette surface à l'aide d'un rabot de grande taille que l'on nomme "colombe" (ou "coulombe" dans certaines régions). La taille de ce rabot ne permet pas de l'utiliser comme un rabot classique, c'est-à-dire en le promenant sur la surface de bois à travailler. Il devient donc un rabot dormant, qui ne bouge pas, et sur lequel nous allons passer la pièce de bois. Mais la colombe ne permet pas de faire de grosses passes, il s'agit plutôt d'un outil de précision pour parfaire la forme de la douve et l'état de surface du clain. Auparavant il sera donc utile d'ébaucher la forme globale de celle-ci à l'aide d'une doloire ou d'une plane, outils qui permettent d'enlever de la matière plus rapidement.


Évider

Dernière opération pour terminer le façonnage des douves, l'évidage permet de diminuer leur épaisseur sur la partie centrale afin de faciliter le cintrage. Il faut cependant veiller à laisser suffisamment de matière aux extrémités afin de pouvoir par la suite creuser le jable sans trop affaiblir le tonneau à cet endroit. Pour effectuer cette opération nous utiliserons une plane courbe afin de s'adapter à la forme intérieure du tonneau.

Évidage à la plane

Évidage à la plane

Dressage du fût

Dressage du fût

Une fois toutes ces opérations réalisées il ne reste plus qu'à assembler les douves pour former un fût "en rose", c'est-à-dire jointif sur un de ses côtés, mais dont les douves sont encore droites et ne se rejoindront qu'après l'étape du cintrage.


- La vidéo -



-- Cyrille DUMOUTIER --


- Les sources -

1 - Paulin-Désormeaux, H. Ott. Nouveau manuel complet du tonnelier et du jaugeage, contenant la fabrication des tonneaux,... des cuves, des foudres, des barils, des seaux... suivi du jaugeage de tous les fûts. 1875.

Related posts

Search on blog